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Impact de l’épidémie de COVID-19 sur les opérations des acteurs humanitaires et de développement

Dernière mise à jour : 5 avr. 2020


Impact de l’épidémie de COVID-19 sur les opérations des acteurs humanitaires et de développement en République Démocratique du Congo : état des lieux et recommandations des ONG Internationales

La République Démocratique du Congo (RDC) compte, selon le dernier rapport officiel du Ministère de la Santé en date du 25 mars 2020, 48 cas confirmés de personnes atteintes du COVID-19 et 3 décès. Les membres du Forum des ONG Internationales en RDC, organe regroupant plus de 105 Organisations Internationales opérant dans le pays, souhaitent partager à toutes les parties prenantes leurs perspectives quant à l’impact de l’épidémie sur leur capacité de réponse, en espérant que les recommandations faites dans ce document pourront être reprises dans.

Si la situation au niveau global est alarmante, elle l’est d’autant plus en RDC où les structures de santé sont peu préparées à répondre à une épidémie d’une telle ampleur. Pourtant, si l’épidémie peut amener, de façon directe, à la mise en danger d’un très grand nombre de Congolaises et de Congolais, elle risque aussi de frapper de plein fouet la réponse aux besoins humanitaires urgents. En effet, les mesures prises pour endiguer la propagation du COVID-19, bien que nécessaires, risquent d’avoir un effet multiplicateur négatif sur des populations déjà vulnérables. L’impact pourrait aller au-delà d’un engorgement des structures sanitaires et avoir des conséquences sur le plan humain, socio-économique, logistique, financier et sécuritaire. Un tel impact sur un pays comme la RDC, de la taille d’un continent, pourrait avoir un effet déstabilisateur sur toute la région.

En tant qu’humanitaires, nous devons maintenir à tout prix les programmes qui visent à sauver des vies, tout en s’assurant de respecter le principe de « ne pas nuire » pour réduire le plus possible les risques d’être des vecteurs de propagation de la maladie. Un équilibre doit être trouvé entre ces deux impératifs afin de pouvoir maintenir et adapter nos opérations aux situations exceptionnelles auxquelles nous faisons face actuellement.

Afin de permettre aux acteurs humanitaires de répondre aux urgences existantes, mais aussi au besoin de riposte face à l’épidémie de COVID-19, nous souhaitons soulever les éléments suivants :

Ne pas bloquer l’aide humanitaire Afin de pouvoir mettre en œuvre des actions humanitaires, il nous faut garantir l’acheminement en intrants et ressources humaines dans le pays. Dans ce cadre nous soulignons l’importance d’ouvrir des couloirs humanitaires vers la RDC. En effet, la mobilité du personnel humanitaire devrait pouvoir venir renforcer l’effort en cours (réponse humanitaire déjà existante) et à venir (COVID-19), ce qui, à l’heure actuelle, n’est plus possible.

Les restrictions de mouvements nécessaires pour réduire la propagation de l’épidémie ne devraient pas bloquer complètement la capacité des ONGI à pouvoir opérer et répondre aux besoins les plus urgents. En cela, nous appelons à s’assurer que les mesures de réductions des transports aériens ou fluviaux au sein du pays ne touchent pas l’aide humanitaire et permettent le transport de l’aide, mais aussi des travailleurs humanitaires, tout en respectant des mesures strictes de réduction des risques de propagation du virus.

La pandémie COVID-19 affecte profondément l'approvisionnement en produits médicaux à l’international, au travers du fret aérien et du transport maritime perturbé, ainsi que des restrictions sur l’exportation d’équipements et médicaments. Ce dérèglement risque de perdurer. Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, les ONGIs ayant besoins d’intrants médicaux demandent pour cela aux bailleurs une dérogation à la politique d'achat existante et l'autorisation d'acheter des produits pharmaceutiques au niveau local, en s’assurant de leur qualité.

Dans ce cadre, nous recommandons plus spécifiquement :

● Au leadership humanitaire et aux représentations diplomatiques: - Soutenir UNHAS pour assurer un service minimum pour les acteurs humanitaires tout en respectant des standards stricts de réduction des risques de contamination COVID-19 établis collectivement ; - Porter un plaidoyer pour la mise en œuvre d’un pont aérien humanitaire régulier permettant l’acheminement d’équipements, d’intrants et de personnel qualifié, tout en permettant aussi, le cas échéant, des évacuations médicales et sécuritaires dans le respect des principes humanitaires ; - Négocier avec les pays de la sous-région afin de permettre le passage, par voie terrestre ou fluviale, d’aide et, le cas échéant, de personnel humanitaire dans le respect des mesures de non propagation du virus ; - Assurer que tous les fonds alloués à la RDC à travers le Fonds Humanitaire pour la RDC ne se focalisent pas sur la réponse au virus COVID-19 en oubliant les autres crises dans le pays.

● Aux bailleurs de fonds: - Les fonds alloués pour la réponse COVID-19 ne doivent pas se faire au détriment du financement des urgences humanitaires, lesquels sont déjà à des niveaux dramatiquement faibles pour répondre à toutes les urgences en cours ; - Autoriser des dérogations pour faciliter les achats locaux d’intrants tout en mettant en place des procédures pour garantir une qualité minimum pour les intrants sensibles ; - Assurer une flexibilité budgétaire pour prendre en compte les coûts plus élevées que prévu dans la mise en œuvre des projets, notamment en termes d’approvisionnement, sécuritaire et pour la limitation des risques ; - Permettre la priorisation de certaines activités vitales au détriment d’autres, le cas échéant.

Au Gouvernement: - Accepter la mise en place de couloirs humanitaires pour faciliter, l’acheminement de matériel, équipement, intrants et personnel humanitaire, tout en respectant des standards stricts de réduction des risques de contamination COVID-19 établis collectivement ; - Assurer que les vols et connexions terrestres, fluviales et lacustres, à l’intérieur du pays et dans la ville de Kinshasa, à des fins humanitaires ne soient pas bloquées pour permettre la continuité des activités les plus urgentes.

Améliorer la capacité d’action des acteurs humanitaires Face à une situation qui touche toute la population de manière indiscriminée et au risque de voir s’aggraver de jour en jour une situation humanitaire déjà alarmante ; si les acteurs humanitaires ne sont pas en mesure d’avoir accès aux populations vulnérables, nous appelons l’Etat congolais à nous soutenir dans nos efforts et nous assurer de la plus grande facilitation de l’aide à travers certaines dérogations nécessaires pour être efficace dans cette situation d’urgence.

Afin d‘assurer le déploiement rapide d’une expertise clé pour la réponse humanitaire aux besoins en RDC, il nous semble essentiel que l’Etat facilite l’attribution de visas volant pour le personnel humanitaire, lui permettant de voyager jusqu’en RDC. Pour les nouvelles recrues, compte tenu de la quarantaine de deux semaines nécessaires à l’arrivée dans le pays, il est nécessaire que les services de la DGM attribuent des dérogations pour éviter l’obligation de visite médicale dans des structures médicales dès l’arrivée et facilitent les procédures pour l’obtention de visas d’établissement ordinaire dans le plus rapidement possible, et dans tous les cas pas au-delà d’un mois.

Depuis l’annonce des mesures de réduction des risques de propagation de la maladie par son Excellence le Président de la République, des activités ont été suspendues et interdites dans certaines provinces. Il s’agit par exemple de programmes de vaccination contre la rougeole qui tue des milliers d’enfants en RDC, ou des distributions d’aide humanitaire d’urgence à des populations déplacées. Les humanitaires s’engagent à travailler collectivement pour assurer les mesures de prévention et établir des standards minimums. Il est fondamental que les autorités, tant nationales que provinciales et locales agissent proactivement pour permettre la continuité de ces activités cruciales. Les rumeurs et l’anxiété montent à travers le pays concernant l’épidémie, les risques sécuritaires se font de plus en plus sentir avec parfois la stigmatisation de personnes en fonction de sa nationalité ou de son origine. Il est important que les autorités congolaises, y compris au plus haut niveau de l’Etat s’assurent qu’une communication claire, détaillée et régulière soit opérée de façon à permettre aux ONGI de pouvoir œuvrer sereinement et sans risques démesurés à leur sécurité. Cette communication pourrait aller de pair avec une sensibilisation plus large sur le virus COVID-19 et les mesures d’adaptation des programmes des ONGI pour éviter sa propagation.

Dans ce cadre, nous recommandons plus spécifiquement :

● Au leadership humanitaire: - De s’assurer que la coordination des actions humanitaires liées à la réponse COVID-19 ne soit pas fait en parallèle des autres mécanismes de coordination humanitaire existant.

● Au Gouvernement: - Mettre en place un « guichet unique » qui faciliterait l’obtention de toute dérogation et facilités pour les ONGI impliquées dans la réponse humanitaire et la riposte au virus COVID-19 ; - Assurer une communication officielle à toute les administrations et services étatiques aux niveaux national et provincial pour clarifier la nécessité de la continuité de l’aide humanitaire et l’importance de la facilitation de ces efforts ; - A travers les Ministères du Plan et des Finances, garantir une continuité dans la chaîne d’approvisionnement en assurant la validité des arrêtés interministériel tout au long de la crise ; - A travers le Ministère de l’Intérieur et de la DGM, faciliter la présence des humanitaires, s’assurer que les passeports des expatriés soient en leur possession et qu’une dérogation aux procédures régulières soit mise en place jusqu’à résolution de la crise ; - Travailler avec les ONG pour la résolution des obstacles administratifs qui pourraient entraver la capacité de réponse aux besoins urgents du Peuple Congolais.

● Aux autorités provinciales et locales : - Travailler avec les humanitaires dans leurs provinces pour définir les mesures nécessaires pour permettre la continuité des activités vitales tout en s’assurant de limiter au plus les risques de propagation ; - Communiquer clairement à l’administration provinciales l’importance de faciliter le travail des humanitaires dans leur Province.

● Aux représentations diplomatiques : - S’assurer que leurs ressortissants travailleurs humanitaires soient protégés et puissent jouir de papiers leur permettant de voyager dans le pays et à l’extérieur et d’assurer les évacuations médicales et sécuritaires nécessaires le cas échéant.

Répondre à l’épidémie de COVID-19 Plus que jamais nous faisons face à un défi de taille, des financements qui ne seront pas à la hauteur des besoins et qui pour cette raison nécessitent une meilleure coordination et utilisation efficace. Il est nécessaire de rassembler tous les acteurs autour d’un effort commun allant au-delà des aspects de santé publique en engageant les bailleurs et acteurs de développement pour renforcer, au plus vite, non seulement les systèmes de santé mais envisager des mesures socio-économiques de réduction de l’impact des mesures prises pour contrer le COVID-19 sur la population congolaise. Cette coordination humanitaire devrait venir en appui à la coordination du gouvernement congolais, et s’appuyer sur les leçons apprises de la coordination de la riposte Ebola. Afin d’éviter les écueils du début de la riposte contre la Maladie à Virus Ebola, un réel travail à base communautaire doit être engagé le plus rapidement possible, lequel devrait comprendre un volet sur la protection du personnel soignant. Ceci permettrait, nous l’espérons d’enrayer les rumeurs qui sévissent déjà et risquent de se propager.

Nous espérons que cette coordination s’assurera de prendre en compte l’impact socio-économique de la pandémie du COVID, et ses effets collatéraux (fermeture de frontières, arrêt d’exportations, réduction des moyens de subsistance, augmentation des prix des denrées essentielles) qui risquent de causer plus de dommages sur le tissu social congolais que sur le plan purement sanitaire. Dans un contexte fragile et prône aux conflits, il est nécessaire d’envisager des mesures et politiques sociales afin d’atténuer de tels risques. Comme souligné plus haut, une riposte au virus COVID-19, nécessite le déploiement massif de matériel, d’intrants médicaux et de personnel expérimentés. Face à une telle crise, nous ferions appel à un plus grand nombre d’experts et travailleurs humanitaires. Cependant, à l’heure actuelle, nos équipes sont réduites du fait de la clôture rapide des frontières et des voies aériennes. Il faut que nous puissions assurer la sécurité du personnel déjà dans le pays et que nous nous assurions qu’un support technique supplémentaire puisse arriver.

Dans ce cadre, nous recommandons plus spécifiquement :

● Au leadership humanitaire: - Porter un plaidoyer pour la mise en œuvre d’un pont aérien humanitaire régulier permettant l’acheminement d’équipements, d’intrants et de personnel qualifié, tout en permettant aussi, le retour des personnes coincées en RDC ; - S’assurer que la RDC, en tant que pays avec le plus grand HRP au monde, voit ses besoins priorisés dans le cadre du HRP global en réponse au COVID-19.

● Aux bailleurs de fonds: - Débloquer des fonds supplémentaires pour répondre à l’épidémie COVID-19 en RDC ; - Assurer des financements allant au-delà d’une réponse purement médicale pour intégrer des aspects de sensibilisation et travail communautaire et des activités de réduction de l’impact socio-économique de la maladie et de la riposte.

● Au Gouvernement: - Prendre des mesures qui permettent l’atténuation de l’impact socio-économique des restrictions prises pour stopper la propagation du virus ; - Assurer une communication claire et régulière sur les mesures prises contre l’épidémie, les éléments médicaux et épidémiologiques connus et sur les bonnes pratiques de prévention afin de réduire la propagation de rumeurs et de discours stigmatisants ; - Assurer que la coordination de la riposte se face en incluant toutes les parties prenantes (Agences des Nations Unies, ONG nationales, ONG Internationales et bailleurs de fonds). Pour ce qui est de la représentation des ONGI, cela devrait être fait à travers une volonté collective afin de s’assurer de la représentativité et de la redevabilité des ONGI présentes au sein de la coordination.

Face à une situation unique, des mesures adaptées sont nécessaires Il est impératif de maintenir les financements actuels, envisager un surcoût dû à l'adaptation au contexte national et international, aux mesures de protection nécessaires et aux contraintes logistiques. Autoriser un recentrage sur des activités essentielles visant à sauver des vies et réaffecter des fonds à d’autres activités justifiées par le contexte. Toutefois, il est crucial que tous les financements spécifiques à la réponse COVID viennent en supplément de l’existant. Un Plan de Réponse Humanitaire Global est en cours de validation. Il nous parait essentiel que celui-ci cible en priorité la RDC. En effet, une telle épidémie dans le pays pourrait avoir des conséquences absolument désastreuses, tant au niveau sanitaire qu’au niveau de la sécurité nationale et régionale.

Dans ce cadre, il nous parait fondamental de prendre en compte le besoin de financements pour des activités de soutien à l’économie nationale et locale afin d’éviter un phénomène de déstabilisation d’un climat socio- économique déjà difficile. Nous comprenons que la situation du financement bilatéral ou multilatéral sera affectée à court et moyen terme. Il est pour cela impératif que de tous les Bailleurs de fonds, quelle que soit leur nature, les Institutions Financières Internationales et les enveloppes multilatérales soient mobilisés pour répondre à cette pandémie et au contexte sanitaire et socio-économique qu’elle est en train de causer.

Dans ce cadre, nous recommandons plus spécifiquement :

● Aux bailleurs de fonds: - Maintenir les fonds prévus pour la réponse humanitaire en RDC face aux besoins préexistants ; - Permettre une flexibilité de révision des priorités et adaptations des programmes en cours et une réaffectation selon le contexte, les besoins et les mesures prises pour la réduction des risques de propagation ; - Participer à la recherche de fonds supplémentaires pour la réponse COVID-19 tout en prenant en compte l’impact socio-économique dévastateur que peuvent avoir les mesures nationales et internationales et y pallier avec une aide adéquate.

● Au Gouvernement: - Prendre des mesures fortes visant à atténuer autant que possible l’impact que la pandémie pourrait avoir sur le secteur socio-économique en RDC. En cela il est important de renforcer les mécanismes de régulations pour éviter la flambée des prix des denrées alimentaires et de première nécessité, permettre le commerce de proximité, assurer la sécurité et la protection de la population.

Sauver des vies ensemble L’importance du principe de « sauver des vies ensembles », implique un « duty of care » pour les travailleurs humanitaires et de développement. L’accès aux services et aux infrastructures de santé des Nations Unis devrait être garanti aux acteurs humanitaires et ceux impliqués dans la riposte à la pandémie. De même pour l’accès aux capacités d’évacuations MEDEVAC et SECEVAC des Nations Unis aussi bien à l’intérieur que de l’extérieure du pays

Dans ce cadre, nous recommandons plus spécifiquement :

● Au leadership humanitaire: - Lancer un appel aux pays limitrophes et à la communauté internationale afin qu’ils permettent et facilitent les MEDEVAC et SECEVAC ; - Garantir l’accès à l’infrastructure médicale des Agences des Nations Unies et de la MONUSCO dans le pays.

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